les éléments fondateurs les dirigeants, les dates, ... LE texte doctrinal les réalisations du MRP les personnages les plus représentatifs les écrits les écrits
Andr�� DILIGENT
Andr�� DILIGENT
1919 - 2002
1919 - 2002




 Grandes figures




Autres documents



André DILIGENT
Extraits de textes




Le MRP dans le Nord-Pas-de-Calais, 1944-1967, avant-propos
Editions des beffrois, Dunkerque, 1984, p.8..

« ... Nous avons vécu une grande aventure.

Nous voulions faire passer un souffle sur le marais. Nous avions la nausée de l'ère des compromis, nous voulions aller de l'avant en affirmant notre authenticité, en criant nos exigences.

En même temps, nous voulions mettre un terme à cette guerre de tranchées, à ce manichéisme imbécile qui, déjà, coupait la France en deux.
Nous n'entendions ni lever le poing, ni le bras, mais tendre la main. Nous préférions le langage de la générosité à celui de la dénonciation permanente.
Nous voulions désengluer notre pays de ses préjugés tenaces. L'ouvrier fraternisait avec le patron, le syndicaliste avec le paysan, l'ancien montrait le chemin au jeune. On ignorait alors ce que l'on appelle maintenant le plan de carrière, l'investissement électoral : nous foncions droit devant nous, tout simplement.

Nous étions plus affamés de doctrine et d'idéal que d'honneurs. Nous ne cherchions pas un homme surdoué pour nous aligner derrière lui, nous offrions notre dessein à quiconque acceptait de le vivre. Nous étions assez volontaires, nombreux, organisés pour prier les notables trop exigeants d'entrer sans préséance chez nous ou de rester à la porte.
Nous ne nous bousculions pas pour être en vitrine, le culte de la personnalité n'existait pas. Nous préférions le partage des efforts à celui des honneurs. Nos moyens était à la criée. Parfois même revenant de réunions lointaines, nous passions la nuit dans des salles d'attente de gare glacées. Nous étions unis par le plus résistant des liens : une âme commune. Notre solidarité était d'abord une fraternité.

Oui, nous avons vécu une merveilleuse aventure et en avons gardé la nostalgie. Qui ne souhaiterait la revivre un jour ! »




La charrue et l'étoile
Editions Coprur, Strasbourg, 2000, p. 201-205.

Une réflexion d'André Diligent, sous forme de dialogue avec sa nièce, à partir de la définition de la démocratie proposée par Marc Sangnier :

« c'est l'organisation politique et sociale qui tend à développer au maximum la conscience et la responsabilité de chacun, en lui permettant dans le mesure de ses capacités et de ses forces, de prendre une part effective à la direction des affaires communes »

« La formule de Marc est tout sauf une utopie. Ce n'est pas non plus un programme dans lequel on se sent enfermé. Un exemple d'actualité.

Selon les années, on réclame plus ou moins d'Etat : après la Libération, les nationalisations ont été nécessaires pour redresser le pays. Les dénationalisations l'ont été aussi, à une autre époque, pour relancer l'initiative et la compétition, pour donner un coup de fouet à notre économie. Ce n'est pas une question de programme, c'est une question de stratégie, tout en croyant toujours aux mêmes valeurs.

Rappelle-toi une fois de plus la phrase de Lacordaire : "Entre le faible et le fort, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit". Le tout est une question d'adaptation aux problèmes qui se posent dans un contexte donné.

C'est cette volonté d'adaptation qui nous a fait traiter, tantôt par la gauche, tantôt par la droite de renégats. C'est aussi une des raisons pour lesquelles les démocrates chrétiens sont généralement attirés par le centrisme.
Nous nous sommes toujours sentis proches d'Albert Camus, quand il disait : "On ne décide pas de la vérité d'une pensée selon qu'elle est à droite ou à gauche, et encore moins selon ce que la droite ou la gauche décide d'en faire".
Car tout n'est pas à rejeter à droite comme à gauche, mais la bipolarisation systématique entraîne un climat de règlements de comptes permanent, attisé par les ambitions humaines.

Tu me dis : comment passer de la théorie à la pratique. Je te réponds par trois exemples où la formule de Marc nous a guidés sans ambiguïté et pratiquement :


    - Nous voulions mettre fin à l'antagonisme entre l'Eglise et la République. Cela paraît facile à présent ! Souviens-toi : il existait une barrière presque infranchissable.
La religion n'est plus aujourd'hui une ligne de démarcation en politique, heureusement. Demain, ce nouvel état d'esprit peut encore faire avancer la véritable laïcité.


    - Nous voulions une Europe unie. Réfléchis : crois-tu vraiment que sans notre volonté de paix et de coopération internationale, déjà proclamée avant la guerre, nous aurions pu, après la Libération, imaginer une réconciliation entre la France et l'Allemagne, malgré nos souffrances, malgré les horreurs et la barbarie du nazisme ? D'après toi, quel est le miracle qui a pu réunir des hommes comme Robert Schuman, Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi, si ce n'est un idéal commun, notre idéal ?
Et, bien entendu - tu me traiteras de ringard - n'est-ce pas la preuve que l'amour de l'autre est finalement la condition d'une révolution durable ?


    - Nous voulions plus de justice, moins de misère. Là encore, replace-toi dans le contexte. On a considéré trop longtemps comme inévitable une société à deux vitesses, à deux classes : les exploitants et les exploités. C'était révolutionnaire de penser autrement.
Ce combat, bien entendu, ne sera jamais terminé et le chemin à parcourir est encore immense, d'autant que le problème a pris une dimension internationale. Mais nous avons au moins contribué à donner à nombre de nos concitoyens, une mauvaise conscience indispensable [...]
Quels que soient les problèmes, nationaux ou internationaux, qu'il s'agisse des institutions, de la justice sociale, de l'économie, de la famille, de l'éducation, de la pauvreté, de la paix, de la violence, de la sécurité, de l'écologie, de la génétique, de la biologie, de la maîtrise de la mondialisation etc., ils changent et vont encore changer de dimension.
Il va falloir faire preuve de beaucoup plus d'énergie, d'obstination et de conviction pour les affronter.
Pense au terrible diagnostic de Gabor, prix Nobel de physique : "tout ce que la science est capable de faire, elle le fera, en dépit des règles morales"

De deux choses l'une :

    - Ou cette prophétie est irréversible.
Dans ce cas, cédons au scepticisme, au repli sur soi, à la paresse intellectuelle, jetons l'éponge et laissons pourrir la planète. Plongeons dans une léthargie générale, à défaut d'avoir le courage d'organiser une euthanasie générale...
    - Ou elle ne l'est pas.
Alors, reconnaissons que lorsqu'il s'agit de poser des limites aux débordements de la science, le problème devient politique. Et nous revenons toujours ainsi à la définition de la démocratie par Marc Sangnier, aux valeurs qu'elle implique.
Jamais dans son histoire, l'Humanité ne s'est trouvée devant un tel défi, et jamais la venue d'une démocratie authentique n'a été plus nécessaire.

Pour répondre à ta question initiale sur la forme que prendra l'expression du courant démocrate chrétien, je te dirai que ce problème de forme a une importance relative si le message perdure. Je crois que nous avons préservé l'essentiel.
"Les pires choses que l'on puisse retirer à un jeune, ce sont les raisons d'espérer", a dit Dom Helder Camara.

L'espoir demeure. A vous de lui donner le souffle nécessaire. Ce sera votre mission. Le temps est venu de prendre la relève. Le temps est venu de prolonger la trace du sillon, et d'accrocher la charrue à l'étoile...»